mercredi 1 mai 2013

Jean-Noël Guérini, le spécialiste


A tout seigneur, tout honneur : on ne peut prétendre brosser un tableau des municipales marseillaises en occultant la figure de Jean-Noël Guérini.   Si les plus courageux l'assument quand d'autres le nient en espérant que cela aura la vertu (sic) de recoudre leur hymen politique en lambeaux, aucun des candidats ne peut prétendre ne jamais lui avoir fait allégeance.



Nono comme on l'appelle ici, doit être le seul élu socialiste de France à ne pas maudire Jérome Cahuzac !  Ce dernier a eu le bon goût de s'attabler chez le juge le jour même où les frères Guérini étaient entendus en garde-à-vue, puis mis en examen par le juge Duchaine (pour, excusez du peu, association de malfaiteurs, détournement de fonds publics, trafic d'influence, & corruption active).   Une diversion fort bienvenue.  Sans elle, nul doute que la plupart des médias nationaux auraient fait leurs gros titres avec la chute (?) de la maison Guérini.

Les grands médias nationaux peut-être mais pas le PS.  Le parti à la rose reste encore aujourd'hui d'une discrétion de violette à l'égard d'un homme grâce auquel les votes de la fédération des Bouches-du Rhône ont toujours assuré à Solférino un réservoir de voix disciplinées.  François Hollande, Premier secrétaire de 1997 à 2008, n'a jamais eu à se plaindre des suffrages exprimés dans le 13. Devenu président du conseil général et sénateur en 1998,  Jean-Noël Guérini a très fidèlement accompagné la carrière du Premier secrétaire.  La maison était si bien tenue, que jamais Hollande n'a émis la moindre critique à son encontre.  Est-ce de la reconnaissance (une vertu assez rare en politique), ou une manifestation de la plus élémentaire prudence ? Car quand Guérini hausse le ton pour confier au JDD 'si je parlais, certains ne seraient plus ministres...' , on peut penser qu'il n'y a pas que Marie-Arlette Carlotti à se passionner brusquement pour le bout de ses chaussures et que les éclaboussures remonteraient plus haut que le niveau ministériel...
 
Ainsi, même au plus fort de la tourmente médiatico-judiciaire, François a fait preuve d’une grande indulgence à l’égard de son ami «Nono». Tout au plus, poussé dans ses retranchements lors d'une interview à Mediapart donnée pendant la campagne présidentielle, l'a-t-on vu concéder qu'il fallait "que la justice fasse son travail".  Une déclaration qu'on a l'habitude d'entendre dans la bouche des responsables politiques chaque fois qu' ils espèrent que le 'travail' en question ne portera pas trop de fruits.

Il aura d'ailleurs fallu attendre que Hollande quitte la tête du parti pour voir les premières mises en cause sérieuses se faire entendre en son sein.  Il est permis de penser que Nono paye ce jour-là l'inhabituelle et très éphémère indépendance d'esprit vis-à-vis du courant majoritaire dont il a fait preuve quelques temps plus tôt au Congrès de Reims.  Les ennuis commencent au lendemain de ce congrès par un volumineux rapport signé Arnaud Montebourg, alors délégué national à la rénovation du P.S, dans lequel il dénonce un "système féodal reposant sur l'intimidation et la peur, [...] et redoute les dérives les plus graves dans l'usage de l'argent public".  

Une contre-enquête est alors confiée à une commission présidée par l'ex-ministre Alain Richard qui, si elle confirme un certains nombres de dysfonctionnements, apporte néanmoins un sérieux bémol aux déclarations à l'emporte-pièce de Montebourg :  "Plusieurs des affirmations énoncées dans ce rapport, sans être dénuées de tout lien avec la réalité, sont restées au stade d'accusations péremptoires. Elles apparaissent à l'analyse rigoureuse soit factuellement inexactes (...) ; soit déformées au point de constituer des conclusions erronées."  
Le moins qu'on puisse dire est que la réaction de Martine Aubry à la réception du rapport Richard est plutôt tiède même si elle ne résiste pas au plaisir d'égratigner au passage la gestion Hollande en regrettant publiquement "que le ménage n'ait pas été fait plus tôt".  Difficile en effet d'imaginer que l'ex-Premier secrétaire ait ignoré pendant 11 ans les turpitudes d'une des plus puissantes fédérations de France... 


Le bureau national entérinera le rapport Richard par 26 voix contre 1 (celle de Montebourg).   
A ceux qui s'étonneraient de l'immense mansuétude de la Première secrétaire et du bureau national, il faut rappeler  qu'en cours de Congrès, Guérini a laissé tomber le camp Royal en rase campagne pour se ranger du côté de la motion Aubry.
 Montebourg tentera sans succès d'enfoncer le clou en déclarant : " Je m'inquiète que le Parti Socialiste soit solidaire d'élus dont les liens avec le grand banditisme apparaissent. "

Grand banditisme qui nous ramène naturellement aux frères Guérini, non pas Jean-Noël et Alexandre dont la présomption d'innocence dans ce domaine reste entière, mais à Barthélémy (dit Mémé) et Antoine et à leurs liens avec Gaston Deferre
Avec cette question : est-il  possible de gouverner Marseille sans un gentleman agreement avec la pègre locale et voisine (Italie, Corse) ?  Si on en croit les vieux routiers de la vie politique marseillaise, il n'y a que deux cas de figure possibles pour la ville : soit les politiques contrôlent la pègre (Deferre), soit la pègre contrôle les politiques (Sabiani).  Marseille est une ville qui ne se gère pas, Marseille est une ville qui se 'tient'.  A la nomination de Gaston Deferre comme Ministre de l'Intérieur, le regretté Thierry Le Luron avait d'ailleurs lancé : « Pour s'occuper du grand banditisme, il valait mieux un spécialiste.»  
A la lumière des règlements de compte désordonnés entre demi-sels qui ensanglantent les trottoirs de Marseille ces derniers mois, auxquels un Gaudin confit dans son gâtisme est bien incapable de mettre bon ordre, il n'est pas sûr que les marseillais aient à se féliciter de l'absence de Nono le spécialiste dans la course à la mairie...

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